SUPER DEEP SKY.(Part. III )

Un T 760 dans une 106

Separation

Loin des lumières de la ville.

S’il est important d’avoir une mécanique robuste alliée à une optique de qualité, il ne faut pas négliger non plus la protection des reflets et lumières parasites.
Pour cela, Super Deep Sky possède deux systèmes distincts de protection :
Le diaphragme interne est, si j’ose dire, assurément l’idée la plus lumineuse ; en raison de sa finesse il n’a pratiquement aucun effet sur l’image de diffraction des étoiles et sur le contraste général.
Pour le transport en voiture vers le site d’observation, la boite à miroir ne quitte jamais le rocker. Ceci est particulièrement important quand on songe à son poids de 75kg. Je n’ai jamais besoin de la soulever - du reste j’en suis incapable.
Pour le chargement et le déchargement de l’instrument dans la voiture, je place des rampes de ripage de part et d’autre du seuil de chargement du hayon, fait de profilés aluminium ; la rampe intérieure est rendue nécessaire par la présence du seuil de chargement et n’existerait pas avec un petit break ; son installation pour sortir l’instrument nécessite le soulèvement bref de celui-ci. Ceci constituant la seule opération pénible de la manutention..
Puis l’ensemble rocker-boite à miroir est ripé le long des rampes pour être soit sorti, soit entré. Par bonheur sa relative légèreté ne nécessite pas d’être un surhomme.
Il me faut entre 15 et 20mn pour mettre en oeuvre complètement l’instrument, à savoir le sortir de la voiture, le monter et le régler, ce temps serait réduit de 5 minutes avec un break.

Que voit-on dans T760 ?


Quels résultats peut-on espérer sur le terrain avec un tel instrument ?
Le cahier des charges ambitieux est-il rempli, et l’observateur a-t-il effectivement le beurre et l’argent du beurre ?
La réponse est : OUI !

Une fois de plus je découvre plein de choses nouvelles et m’émerveille tel un débutant.
Le ciel semble s’être renouvelé, l’Univers semble avoir décuplé de dimensions, à moins que les objets ne se soit multipliés subitement. Après avoir observé pendant des années avec mon 45cm, je découvre la plupart des objets connus : tous sont plus brillants, plus grands, plus complexes, certains sont plus colorés ou semblent différents ; la plupart ont une nouvelle personnalité.
Le plus important est que l’instrument est très convivial, ceci grâce à sa taille encore correcte et son excellent rapport rigidité/poids, et observer à faible grossissement (c’est-à-dire en dessous de 200 fois) est aussi facile - et plus stable - qu’utiliser une paire de jumelles 10x50, comme me l’on rapporté des observateurs qui utilisaient un Dobson pour la première fois.
Faire du « star-hopping » à faible grossissement est un délice : avec un correcteur de champ Paracorr et un oculaire Panoptic de 35mm de focale j’obtiens un grossissement de 103 fois avec un champ de 36’ d’arc recouvert d’étoiles parfaitement ponctuelles d’un bord à l’autre, à la performance exceptionnelle sur les grands complexes nébulaires (filtrés en Olll ou en H-bêta selon la nécessité) et les champs riches de la Voie Lactée.
L’instrument est de plus très maniable, puisque je peux lui imprimer une rotation de 180° en moins de 5" sans effort, ce qui lui permet d’être pointé vers n’importe quelle cible en quelques secondes (à condition bien sûr que celle-ci se trouve au-dessus de l’horizon!).
Seule contrainte : l’escabeau est un accessoire indispensable pour toute observation à plus de 30° au-dessus de l’horizon ; en fait mon vrai problème est plutôt de réussir à en faire descendre les gens que j’invite si je veux pouvoir observer moi aussi !
Ce qui est incroyable avec Super Deep Sky, ce sont les grossissements employés auxquels on s’habitue : un grossissement moyen se situe entre 300 et 400 fois et est le plus employé sur les galaxies ; les petits objets tels que les nébuleuses planétaires ou les régions H11 se regardent couramment à 600, jusqu’à 900 fois si la stabilité atmosphérique le permet.

Je dois beaucoup à Steve Dodds, patron et opticien de NOVA Optical Systems, pour m’avoir réussi un tel miroir. Ce n’est décidément pas le facteur limitant de mon instrument, comme en témoignent les vues exceptionnelles que j’ai pu obtenir lors de nuits particulièrement peu turbulentes.
Les étoiles sont minuscules même à 900 fois lors de nuits très stables ; les planétaires minuscules sont identifiées aisément, telle Pease 1 (3" de diamètre), trouvée sans carte de champ à l’intérieur de l’amas globulaire M15 ; les plus brillantes offrent des détails de l’ordre de la seconde d’arc.
Après une mise au point un peu laborieuse de mon barillet, les images des planètes sont dignes des photos de Voyager, et Jupiter montre des couleurs extrêmement variées ainsi que des détails bien trop nombreux pour être dessinés, y compris lorsque j’utilise un diaphragme hors axe de 307mm de diamètre lors de nuits à turbulence moyenne (ce qui montre bien qu’un système optique de qualité et sans obstruction tolère bien la turbulence) ; les satellites de Saturne montrent des diamètres très différents, et l’anneau montre la difficile division d’Encke.
Le test sur les étoiles confirme l’excellence du miroir : les images d’étoiles défocalisées en intra - et extra-focal sont très douces et ne trahissent qu’une légère sous-correction.
Tandis de M51, M101 ont un aspect proche de la photo d’observatoire, que de nombreuses autres galaxies montrent leurs bras spiraux, bandes d’absorption et autres régions H11, que les complexes nébulaires filtrés évoquent des plaques de Schmidt (piliers de M16, magnifiquement imagés par le HST ; l’oreille géante de IC 1805 dans Cassiopée, la Tête de Cheval montrée à un débutant un soir de premier quartier de Lune...) et que les structures des nébuleuses planétaires deviennent évidentes (NGC6445 dans le Sagittaire s’appelle maintenant le Pâté en Croûte), les anciens challenges sont désormais des formalités :
L'étoile centrale de M57 est vue constamment en vision directe, le Quasar Double de la Grande Ourse et l’amas de galaxies de la Couronne Boréale deviennent des objets faciles, les nébuleuses planétaires d’Abell sont parfois spectaculaires, les 5 principaux satellites d’Uranus sont tous là, et ce qui va pas sans poser quelques problèmes d’identification, les galaxies anonymes sont légion.
  Qui a déjà observé visuellement IC 4217 et 4218 tout contre M51 ?
Et bien sûr les défis se renouvellent qui ont pour nom Charon, le satellite de Pluton ; la Croix d’Einstein, mirage gravitationnel dans Pégase ; les amas de galaxies de classe de distance 4 et même plus ... Le jet de matière de M87 et le pulsar de la nébuleuse du Crabe ont été repérés avec succès.
Pour les observations avec des amis qui s’étalent sur plus d’une nuit, je peux utiliser ma table équatoriale D’AUTUME, achetée d’occasion initialement pour motoriser Deep Sky, mon T45, et surdimensionnée pour cet instrument mais qui convient parfaitement à Super Deep Sky.
Son utilisation à 900 fois sur des planétaires minuscules, des régions H11 de galaxies en se concentrant exclusivement sur ce que l’on voit à l’oculaire procure l’expérience fascinante de visions poussées aux limites de l’instrument et de l’observateur dans des conditions de confort satisfaisantes (n’était-ce l’escabeau insuffisant pour des observations proches du zénith).
Durant les nuits de turbulence correcte j’atteins régulièrement la magnitude 18, peut-être en partie grâce à la hauteur de la 6e et dernière marche de mon escabeau qui me rapproche un peu plus des étoiles ?
La chose la plus déterminante quant à la réussite du projet tient à ce que l’instrument est réellement transportable et que je peux sans trop de peine le monter seul.
Si cet objectif n’avait pas été rempli, je ne totaliserais sans doute pas plus de 200 heures d’observation (autant que pour la fabrication) et un bon millier d’objets en deux ans.
Le plus important n’est-il pas au fond de pratiquer réellement l’observation tout en se faisant plaisir ?

The last but not the least


Comme je le laissais entendre au début de l’article, je suis atteint d’une maladie incurable qui me pousse à voir encore plus grand, et bien que tous les problèmes évoluent de façon exponentielle avec le diamètre - conception, financement, manque d’enthousiasme de la conjointe -, un Dobson géant transportable de 1m15 à 1m30 de diamètre et n’excédant pas 200kg me semble réalisable : ne sommes-nous pas à l’ère de la fibre de carbone et des miroirs cellulaires ?

Cependant Super Deep Sky est très proche du télescope ultime, si j’en juge par le plaisir que je prends à observer avec ; je crois qu’il m’en procurera toute ma vie.
Pour que tout soit parfait, il me reste à régler quelques problèmes mineurs, à acheter un petit break, à investir dans un escabeau plus grand et plus confortable... et à installer un combiné ordinateur de pointage - motorisation altazimutale, ce qui devrait arriver progressivement !

Comme vous pouvez le constater, à l’exception des optiques qui nécessitent un investissement conséquent - mais que coûte un bon combiné Schmitt-Cassegrain/CCD ? - il n’y a rien d’irréalisable pour faire un Dobson géant du temps pour mûrir le projet, puis le passage à l’action avec scie sauteuse et perceuse électrique, un zeste d’abnégation...
Super Deep Sky m’a demandé une centaine d’heures de conception puis deux cents heures d’atelier concentrées en 7 mois.
Alors vous pensez, pour un « modeste » 50cm !

FIN

Nos remerciements à Vincent LE GUERN , cet article est tiré du numéro 724 de la revue PULSAR de Janvier-Février 1998.

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