SUPER DEEP SKY.(Part. II )

Un T 760 dans une 106

Separation

DE DEEP SKY A SUPER DEEP SKY

C'est pourquoi je ne tardais pas à entreprendre la conception d'un T65cm transportable de type Dobson, qui devait se transformer assez vite en un T76cm.
Le cahier des charges était le suivant :
Cela s'est traduit par les choix suivants :
Ma grande priorité a donc été de concevoir une structure suffisamment compacte pour cela. A cet égard, la question du poids était secondaire : j'aurais certainement pu concevoir une structure plus légère de 20kg, mais cela eût été au détriment de la compacité.

Faire Léger........


Un premier choix évident a été la conservation de la structure Serrurier, pour le reste il me fallait décider où et comment placer la matière, à savoir aux seuls endroits qui en ont réellement besoin.
A cet égard, le premier travail de conception s'est porté sur la cage supérieure. Effectivement c'est la partie la plus éloignée du centre de gravité, et tout gain de poids à ce niveau engendre un gain de poids plusieurs fois supérieur (8 fois sur mon modèle) sur le bas du tube, mais aussi sur le rocker (la fourche), et des centimètres décisifs sur l'encombrement de la structure démontée qui décideront si, oui ou non, le gros télescope entre dans la petite voiture.
Mon choix s'est porté sur une configuration classique : deux anneaux de contreplaqué joints par quatre tubes en aluminium, mais à laquelle j'ai apporté un changement important : j'ai employé des anneaux très fins (8mm d'épaisseur) compte tenu du matériau utilisé, et ai renforcé l'anneau inférieur avec de la cornière en aluminium, conférant à ce dernier la rigidité transversale (ou moment quadratique) d'un anneau identique épais de 23mm ; je n'ai pas renforcé l'anneau supérieur, et le tout m'a permis de gagner la bagatelle de 2kg sur la cage !

J'ai volontairement choisi une épaisseur radiale (différence de rayon entre les circonférences extérieure et intérieur) importante (65mm) de façon à préserver la rigidité radiale, et ma cage est effectivement rigide dans toutes les directions, puisqu'aucune déformation n'est perceptible quand on manipule le télescope par exemple.

La conception optimisée de l'araignée m'a permis également de gagner du poids :
celle-ci est somme toute assez classique et d'une construction facile, et pourtant j'y ai apporté quelques améliorations, en particulier le diamètre et la hauteur du sabot sont minimisés de façon à être aussi légers qu'un modèle plus complexe ; le miroir secondaire y est tout simplement collé avec de la colle souple pour aquarium, libre de contraintes mécaniques.
Par ailleurs j'ai utilisé des pattes fines et obtenu une excellente résistance au couple de rotation en les décalant par rapport au centre du corps de l'araignée. J'ai quand même poussé un peu loin avec leur hauteur de 32mm, qui est insuffisante et laisse le secondaire se déplacer de quelques dixièmes de millimètres le long de l'axe optique quand le télescope est dépointé du zénith vers l'horizon, ce qui est heureusement sans effet apparent sur la collimation et la qualité d'image, mais pas sur la mise au point qui doit être refaite lorsque la hauteur au-dessus de l'horizon change considérablement d'un objet à un autre.
Je crois que je choisirais des branches nettement plus hautes pour un instrument plus puissant.

Une des difficultés majeures rencontrées dans le montage d'un gros Dobson réside dans l'assemblage de la cage supérieure à la structure Serrurier qui nécessite souvent des manoeuvres accrobatiques au sommet de l'escabeau.
J'ai résolu simplement ce problème avec Super Deep Sky en procédant de la façon suivante : après avoir installé les montants latéraux, j'incline la boite à miroir (le bas du tube) presque à l'horizontale, la cale avec une petite pièce en bois, puis installe confortablement la cage, debout au centre de la structure.
Les extrêmités inférieures des tubes de la structure Serrurier se fixent aux coins de la boite à miroir à des cornières en aluminium par serrage avec des écrous papillons. Cela est extrêmement simple à fabriquer, mais la longueur de mes tubes (2m40) est telle que leur extrêmité inférieure peut se déformer par grand vent au cours du montage (une nuit sur vingt environ).
Des blocs de serrages seraient certainement plus approprés, mais sont plus délicats à réaliser... et ne sont absolument pas indispensable pour des " petits " instruments de 50cm et moins.

Le type de fixation inférieure employé ne pouvant à lui seul tenir rigidement les tubes qui tomberaient, j'ai eu recours à une astuce permettant aux tubes latéraux de rester en position durant l'assemblage de la cage : j'ai joint les tubes deux par deux en leur sommet par un minuscule morceau de feuillard qui non seulement les empêche de tomber lorsque j'incline le tube optique pour le monter, mais les maintient dans la bonne position de montage ; ainsi je n'ai plus qu'à faire glisser les deux boulons de fixation latéraux de l'anneau intérieur dans les encoches d'assemblage des extrêmités supérieures des tubes, puis à serrer leurs écrous à tête plastique.
Ce système me permet également d'assembler rapidement les tubes de devant et de derrière. Une fois la cage mise en place, je place tout à tour chaque paire de tubes maintenus en position parallèle avec leurs fentes de part et d'autre du boulon de serrage de la cage ; puis j'écarte leur base, et le boulon se retrouve emprisonné dans les deux fentes qui se sont refermées sur lui. Un tour d'écrou pour serrer chaque paire, et le tube optique est monté.

et compact....


Une autre amélioration m'a permis de réduire encore davantage la hauteur des parties inférieures (rocker et boite à miroir) : l'avant de la boite à miroir est ouverte au niveau du miroir de telle sorte que lorsque le télescope bouge du zénith vers l'horizon, le miroir primaire rase le fond du rocker, étant ainsi la pièce à la trajectoire la plus basse durant la rotation en altitude. De fait son point le plus bas ne passe qu'à 30mm du sol !
Si je veux un jour installer des codeurs sur les axes pour asservir le télescope à un ordinateur de pointage, il me faudra rehausser la boite à miroir de quelques centimètres avec des cales ; en fait je n'y avais pas pensé durant la phase de conception, et j'étais du reste obsédé par la nécessité de pouvoir faire entrer l'instrument dans mon véhicule...

Le diamètre des tourillons d'altitude a obéi à un compromis :
La bassesse de la boite à miroir qui fini 5 cm sous le niveau du centre de gravité du tube optique, combinée à la forme dégagée des tourillons (ce qui permet par ailleurs de gagner un peu de poids en enlevant de la matière inutile), est d'un intérêt particulier pour la cage supérieure.
En effet, quand le télescope est démonté ou chargé dans la voiture cette dernière se range horizontalement sur la boite à miroir, le profilé alu qui renforce l'anneau inférieur entrant dedans ! C'est ainsi que tout l'ensemble entre dans ma 106, avec le luxe de laisser suffisamment de place sous le pavillon pour y loger l'escabeau !
Les tubes de la structure Serrurier pouvant entrer aussi (de justesse), je n'ai pas eu à investir dans une galerie de toit.
Les dimensions externes de la boite à miroir ont elles aussi été minimisées dans le but de permettre de loger le télescope dans ma modeste voiture.
Sa section est un carré de 81cm à l'intérieur, soit 47mm de plus que le diamètre physique de mon miroir primaire, d'où une section de rocker de seulement 92x86cm. La pièce la plus encombrante est donc la cage supérieure, de 92,5cm de diamètre.
Mes efforts obstinés pour rendre le profil de l'instrument aussi compact que possible ont réussi tant et si bien que le rocker n'a même plus vraiment de planche avant ni arrière, et quand il pointe à l'horizon les tubes Serrurier avant se posent sur le fond du rocker !

Le fond de la boite à miroir cloisonné est constitué de 2 planches de contreplaqué épaisses de 10mm solidarisées par du carrelet en pin , ainsi il est aussi rigide et deux fois plus léger que s'il était plein.
Les côtés du rocker et les parties avant et arrière du fond du rocker appliquent le même principe de cloisonnement, le rocker ne pesant ainsi que 20kg, ce qui me permet éventuellement de le transporter d'une seule main.
Les côtés peuvent recevoir deux barres de manutention autobloquantes dans leurs flancs pour déplacer le télescope sur ses roues... à condition que le sol soit d'une planéité irréprochable car je n'ai pas encore trouve le modèle adéquat.

Un barrillet de 54 points


Le barillet a fait l'objet d'un développement particulier et est de ma propre conception ; il s'agit d'un système flottant de barres et de triangles disposés sur trois étages totalisant 54 points ; il repose sur trois boulons de collimation poussant de 10mm à tête papillon. Il se décompose de bas en haut comme suit :
Soit : 3 barres x 2 triangles principaux x 3 triangles secondaires x 3 touches de contact = 54 points, répartis sur 5 cercles de 3, 6, 9, 12 et 15 points du centre vers le bord du miroir, de telle sorte que, compte tenu de l'épaisseur au bord de 49,5mm et de la flèche de 11,5 mm, la répartition de charge soit uniforme quelle que soit l'orientation du tube optique, soit 1/54e de la charge totale appliquée par touche.
Les éléments du barillet ont été initialement conçus de façon à minimiser la hauteur globale du supportage inférieur qui n'est épais que de 22mm grâce à l'imbrication des trois étages ; mon objectif était au départ de baisser au maximum la hauteur du miroir primaire (qui pèse 46kg) et donc du centre de gravité, mais je me suis rendu compte ultérieurement que cette imbrication n'était pas indispensable compte tenu de l'espace disponible suffisant sous le miroir pour que celui-ci demeure la pièce à la trajectoire la plus basse.
Néanmoins, pour un poids de 6kg, le supportage inférieur du barillet ne se déforme que d'à peine 0,05mm sous le poids du miroir.
Je dois avouer que le fait de m'être lancé dans un barillet aussi compliqué m'a donné pas mal de fil à retordre et que j'ai beaucoup flirté avec la loi de Murphy ; maintenant que les problèmes sont réglés, je reconnais que j'ai beaucoup appris sur le comportement d'une optique 100 fois plus flexible qu'un miroir standard de 200mm et ai eu tout le loisir de me former aux tests sur les étoiles; je ne regrette pas l'investissement en temps qui m'a préparé à une éventuelle réalisation encore plus ambitieuse, qui sait ?
Ceci étant, j'invite quiconque voudrait se lancer dans une telle aventure à bien peser la nécessité de faire compliqué. La flexibilité de mon miroir m'a incité à m'y lancer, sachant qu'un barillet à 18 ou 27 points s'avérait sous-dimensionné sur la feuille de papier.
La ceinture de maintien est un méplat en aluminium épais de 2mm et haut de 30mm ; il est placé approximativement à mi-hauteur de l'épaisseur au bord du miroir.
Ce fut une de mes mauvaises idées car sa rigidité générait des contraintes perpendiculaires dans le miroir primaire, ce qui se traduisait par un astigmatisme m'obligeant à décontraindre le miroir après la collimation en l'écartant très légèrement de la ceinture, tube orienté vers le zénith.
J'ai résolu 90% de ce problème en collant à sa surface du scotch-téflon, très glissant, qui a diminué considérablement les contraintes perpendiculaires. Je recommande plutôt l'usage d'une sangle souple en nylon (ceinture de sécurité), voire en polypropylène pour un instrument au moins aussi gros que le mien.

Le fait d'avoir tout à coup un miroir énorme m'a particulièrement sensibilisé aux problèmes de refroidissement du miroir et des courants de convection dus à la différence de température entre l'air et le miroir primaire ; à cet effet j'ai prévu d'origine une ouverture circulaire dans le fond de la boite à miroir dans le but d'y installer un ventilateur destiné à accélérer le refroidissement du miroir.
A ce jour je ne l'ai toujours pas mis en place, bien que cela s'avère nécessaire. Il me faut actuellement attendre une, voire deux heures avant de bénéficier d'images stables dignes des capacités de Super Deep Sky. Le premier quart d'heure d'observation donne des images empâtées même à faible grossissement, tandis que les fins de nuit, généralement plus stables, permettent au miroir depuis longtemps à température de s'exprimer pleinement.

Vincent LE GUERN    Article PULSAR n° 724 - Janvier-Février 1998

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