SUPER DEEP SKY. (Part. I )
Par Vincent LE GUERN

Un T 760 dans une 106.


Un télescope Dobson de 76cm de diamètre se rangeant à l'arrière d'une Peugeot 106, cela peut paraître utopique, voire complètement utopique, voire complètement farfelu, mais c'est pourtant ce à quoi je suis arrivé en concevant et en fabriquant SUPER DEEP SKY.
Pourquoi en être arrivé là ? Tout simplement par envie d'en voir encore davantage et de plus spectaculaire.
En effet, un tel diamètre offre régulièrement de fabuleux spectacles lorsqu'il est transporté sous un bon ciel de campagne étoilé.



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" Big is beautiful ! "


L'astronomie de loisir n'est pas sans intéresser un grand nombre de gens qui contemplent occasionnellement le ciel à l'oeil nu ou avec une paire de jumelles, rêvant devant sa beauté et les mystères qu'il cache.
Une partie de ces amoureux du ciel pratique l'observation de façon plus assidue, passionnés par l'esthétique des images autant que par la nature des objets qu'ils scrutent. La majorité font de l'observation visuelle, de loin la plus accessible, et source d'émotion répondant bien à leur besoin de rêver et de s'évader du stress quotidien.
Parmi ces observateurs à la recherche exclusive de plaisir et d'émotion, qui ne s'est pas un jour posé la question : et si je passais au diamètre supérieur ? La perspective de disposer d'un engin plus puissant ouvre bien des espoirs sur l'augmentation des capacités d'observation, des détails visibles, bref du renouvellement du plaisir procuré par le spectacle céleste. Ceci est valable au reste pour les astroimageurs photo ou CCD.
L'observation visuelle du ciel profond, qui s'est considérablement développée au cours des 15 dernières années, a introduit chez les observateurs une forme particulièrement développée de cette " fièvre aux diamètres ", comme l'appellent les Américains " aperture fever "; qui n'a pas regretté de n'avoir pas davantage de surface optique en devinant faiblement les bras spiraux de M51, en résolvant seulement partiellement M13 ou en " imaginant " la structure dans M27?
La maladie citée ci-dessus semble incurable, puisqu'elle a donné lieu chez les amateurs du ciel profond à un doublement des standards en 15 ans !
Cette évolution a pu avoir lieu que chez nos collègues d'outre-Atlantique, lesquels, après être passé de 30 à 50 cm de diamètre au cours de la période précédente, réalisent aujourd'hui la prouesse double : des télescopes de plus d'un mètre de diamètre apparaissent désormais, reléguant leurs ancêtres deux fois plus petits au rang d'instruments communs.
Les miroirs de 60 à 80 cm de diamètre ne se comptent maintenant plus, tellement ils sont nombreux.
En France et en Europe l'astronomie de loisir pratiquée à un niveau avancé est très en retard dans le domaine des instruments, mais elle évolue néanmoins et il existe chez nous un certain nombre d'instruments dédiés à l'observation visuelle pour le plaisir exclusif de leurs utilisateurs.
Ce retard est dû à des freins d'ordre culturel : élitisme de l'astronomie amateur en France, multiplicité de clubs de petites dimensions entravant les échanges d'idées, attirance entretenue par les grandes structures et les lobbies commerciaux pour l'imagerie et la technique considérées comme plus juteuse, insistance sur l'astronomie " utile " à la science au détriment du tourisme céleste ; et à des freins d'ordre matériel : peu ou pas d'instruments optimisés pour l'observation purement visuelle, prix du matériel disponible au cm² d'objectif primaire extrêmement élevé, information difficilement accessible sur les instruments spécifiques (les Dobson).
Et pourtant, ce type d'observation a fortement contribué au développement de notre loisir, comme en témoignent les oculaires de nouvelle génération de type Nagler ou Panoptic, les filtres nébulaires, les atlas sur papier puis sur support informatique, et autres ordinateurs de pointage, sans compter bon nombre de produits dérivés de l'imagination fertile des amateurs américains ou canadiens !
Ceci conduit tout naturellement les plus motivés des randonneurs célestes à partir à la recherche d'articles sur les Dobson, des utilisateurs de ces instruments, et à construire le leur avec plus ou moins de bonheur, comme ce fut mon cas il y a 9 ans avec mon T45cm.
A la vérité, les instruments de la gamme 40 - 50cm sont complètement au point et continuent à évoluer en conviviabilité, tout en maintenant leurs performances. L'auteur de ces lignes prépare actuellement avec des amis la construction de 3 Dobson de 40cm de diamètre ouvert à F/5 et qui ne pèseront que 30kg !

DEEP SKY, mon premier Dobson.


Après avoir commencé à observer sérieusement le ciel profond avec des instruments de 200mm de diamètre voici une dizaine d'années, je suis passé il y a 7 ans à l'échelle supérieure avec mon premier télescope de facture personnelle, un Dobson de 45cm que j'appelais " Deep Sky " (pas très original, mais à l'époque il y avait déjà le " Big Eye " de Christian Hanon).
Je découvris soudain tous les objets que je connaissais, certains semblant parfois nouveaux, et avec un pouvoir collecteur multiplié par 5 mon univers accessible prit une nouvelle dimension.
J'imagine que la sensation doit être assez proche de ce qu'ont dû ressentir les astronomes du début du siècle avec les légendaires télescopes Hooker et Hale, et aujourd'hui avec le télescope spatial Hubble.

Passée la période d'émerveillement, je m'habituai très vite aux nouvelles possibilités de mon jouet, et les observations " pointues " sont devenues presque routinières : étoile centrale de l'anneau de la Lyre, le quasar double de la Grande Ourse, l'amas de galaxies de la Couronne Boréale étaient désormais accessibles quoique très faibles, et la liste d'objets présentant des détails s'allongeait presque indéfiniment.
Et voici qu'en 1991, après seulement quelques mois d'observation, j'eus l'occasion d'observer à travers le superbe quoiqu'encombrant T 600 de Jean-Michel Combes.
Les images étaient à nouveau transfigurées, et le retour au T45 me déçut pour la première fois avec ses images moins lumineuses, moins nettes, moins grossies, bref moins belles.
Il m'était certainement possible de fabriquer un instrument plus puissant et plus performant tout en restant convivial et d'un encombrement raisonnable (mais que veut dire cela quand la passion nous guide?) et de meilleure qualité optique que mon misérable 45cm (lequel ne m'avait quand même couté au total que 8 500F).

Vincent LE GUERN    Article PULSAR n° 724 - Janvier-Février 1998

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